La "Lettre à M. Dacier" et l'étude des écritures hiéroglyphique et démotique par Champollion
Jean-François Champollion,
Lettre à M. Dacier,..., relative à l'alphabet des hiéroglyphes phonétiques employés par les Egyptiens pour inscrire sur leurs monuments les titres, les noms et les surnoms des souverains grecs et romains...
Paris : Firmin Didot père et fils, 1822.
1 vol. ; 8°.
Notre exemplaire : H A o 3 8°
Relié avec cinq autres pièces relatives aux antiquités égyptiennes et aux hiéroglyphes.
Provenance : cachet « G. Cuvier » (inventaire MS 130, n° 2126).
Nouvelle reliure en 2013.
Voir la notice dans le catalogue
La Lettre à M. Dacier (1822)
Le 14 septembre 1822, Jean-François Champollion découvre le secret des hiéroglyphes en parvenant à déchiffrer des reproductions de bas-reliefs d'Abou Simbel envoyées par son ami architecte Jean-Nicolas Huyot. Il va dévoiler l'essentiel de sa découverte, avec quelques réserves prudentes cependant, dans sa fameuse Lettre à M. Dacier : les hiéroglyphes et l'écriture démotique sont à la fois idéographiques et phonétiques.
Avec l'aide précieuse de son frère Jacques-François, Champollion écrit cette Lettre à M. Dacier entre le 14 et le 22 septembre 1822. Mais contre l'avis de son frère, il l'adresse à son père spirituel, Bon-Joseph Dacier, secrétaire perpétuel de l'Académie, et soutien indéfectible du jeune homme dès ses débuts et non au baron Silvestre de Sacy, président de l'Académie royale des Inscriptions et des Belles-lettres. Un extrait de la Lettre est ainsi lu devant l'Académie quelques jours plus tard, le 27 septembre, en présence de Sacy, Dacier, Abel Rémusat, et Alexander von Humboldt. L'anglais Thomas Young, également présent, ne peut que reconnaître le triomphe de son rival dans la course au déchiffrement des hiéroglyphes.
Publiée dans son intégralité à la fin du mois d'octobre 1822 chez Firmin Didot, la Lettre à M. Dacier se présente sous la forme d'une plaquette de 44 pages accompagnées de 4 planches illustrées dépliantes, dont le célèbre tableau lithographié présentant les concordances entre l'alphabet grec et les signes hiéroglyphiques et démotiques (qui vous est proposé dans cette vitrine). La Lettre annonce ainsi son deuxième texte majeur publié en janvier 1824, le Précis du système hiéroglyphique : présentant l'ensemble du système d'écriture égyptien sous ses différents aspects, le Précis développe et élargit l'argumentation abordée dans la Lettre ; celle-ci sera finalement insérée dans la deuxième édition du Précis en 1828.
Champollion et « le grand ouvrage »
Pour appuyer l'argumentation de son texte fondateur, Champollion puise de nombreux exemples dans les planches de la Description de l'Égypte, « ce magnifique ouvrage ». Il admire en effet les travaux de Georges Cuvier et reconnaît l'importance de la Description de l'Égypte et son inspiration pour tous les chercheurs : « C'est de l'apparition du bel ouvrage exécuté par les ordres du Gouvernement français, la Description de l'Égypte, que datent seulement en Europe les véritables études hiéroglyphiques. Ce sont les nombreux manuscrits égyptiens gravés avec une étonnante fidélité dans ce magnifique recueil, ainsi que les empreintes, les dessins et les gravures plus ou moins exactes du célèbre monument de Rosette, qui seuls ont pu servir de fondement solide aux recherches des archéologues de tous les pays » (Précis du système hiéroglyphique, 1824, p. 374-375).
Mais à partir de 1827 le ton change et Champollion attaque Cuvier, car il estime que les découvertes fondamentales récentes n'ont pas suffisamment été prises en compte dans les dernières livraisons de la Description de l'Égypte, ouvrage scientifique de référence devenu de fait dépassé : « Les trois premières [livraisons] ont paru à une époque où la science égyptienne était tout entière, selon certaines assertions du moins, dans la seule commission d'Égypte ; mais, du moment que cette science existe au dehors de la commission, sans en être sortie pour cela, il devenait convenable, pour ne pas dire nécessaire, que la Description de l'Égypte, ouvrage public, ne se montrât pas si fort au-dessous du niveau des connaissances actuelles sur le système graphique de l'ancienne Égypte : on devait d'abord rejeter tous les dessins d'inscriptions hiéroglyphiques dont la fidélité était douteuse, et celles surtout dont les nouvelles découvertes avaient d'avance démontré toute l'inexactitude. Mais on n'a nullement songé à ces suppressions ni à ces corrections... » (Bulletin des sciences historiques, antiquités, philologie, t. VII, p. 44-49).
Champollion signe donc avec sa Lettre à M. Dacier l'acte de naissance de l'égyptologie en tant que science à part entière, et celle-ci se fera en dehors de la Description de l'Égypte.
Bibliographie
Alain Faure, Champollion, le savant déchiffré. Paris : Fayard, impr. 2004.
H AR o 9 M 8°
Jean Lacouture, Champollion, une vie de lumières. Paris : Grasset, impr. 1989 (18-Saint-Amand-Montrond : Impr. Bussière).
H AR o 9 F 8°
Jean-François Champollion, Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, ou recherches sur les élémens premiers de cette écriture sacrée, sur leurs diverses combinaisons, et sur les rapports de ce système avec les autres méthodes graphiques égyptiennes ; par M. Champollion le Jeune,... Planches et explications. Paris : Imprimerie royale, 1827.
H AR o 9 8°
Revoir l'exposition virtuelle Regards sur l'Égypte
Présentation réalisée par Ariane Oriol (avril 2015) à partir de l'exposition Regards sur l'Egypte présentée à la Bibliothèque des Lettres de l’École normale supérieure du 10 décembre 2013 au 27 janvier 2014