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À l’École normale supérieure

Écrire

Durant ses années normaliennes, Jean-Paul Sartre poursuit ses expériences littéraires et développe une intense activité de polygraphe : nouvelles, romans, contes, poèmes, essais (Er l’Arménien ou l’Olympe chrétienne), pièces de théâtre, écrits parodiques, pensées, écrits scolaires, articles, etc. Chacun de ses écrits s’appuie sur d’abondantes lectures, comme le montre la « mise en contexte » que nous proposons pour le roman Une défaite.

En 1924, Sartre a trouvé dans le métro un répertoire des Suppositoires Midy, dont il a fait son carnet de citations et de pensées. On pourra découvrir ici quelques extraits de ce Carnet Midy qui commence à « A »comme « Ame » et se termine à « V » comme « Visage ».

En janvier 1927, Sartre publie dans la Revue universitaire internationale un article intitulé « La théorie de l’Etat dans la pensée française d’aujourd’hui ». La Bibliothèque des Lettres possède un des rares exemplaires de cet article, longtemps considéré comme perdu dans sa version française.


Revue universitaire internationale.
1ère année, n° 1, janvier 1927.

     

Le Diplôme d’Études Supérieures

Une fois ses certificats de licence obtenus, Sartre consacre l’année 1926-1927 à l’écriture de son Diplôme d’Études Supérieures. Il choisit Henri Delacroix comme directeur de mémoire, représentant de la psychologie française à la Sorbonne et assesseur du Doyen de la Faculté des Lettres de Paris. Si Sartre a peu emprunté d’ouvrages d’Henri Delacroix, hormis sa thèse et son Étude d’histoire et de psychologie du mysticisme, la pensée de cet auteur présente des aspects qui n’ont pas dû déplaire au jeune Sartre. En effet, Henri Delacroix eut comme premier maître Bergson ; en 1918, il écrivit une psychologie de Stendhal ; enfin, sa psychologie dénote une sensibilité à l’expression artistique. Sous sa direction, Sartre examine la question de l’image et intitule son mémoire L'image dans la vie psychologique : rôle et nature, mémoire de 272 feuillets. L’original de ce mémoire a disparu, mais l’Équipe Sartre de l’Institut des Textes & Manuscrits Modernes (ITEM, CNRS/ENS) en possède un exemplaire dactylographié, généreusement prêté pour cette exposition.


    

Sartre organise son propos en cinq chapitres : 1. Image et perception ; 2. Image et pensée ; 3. Les attitudes envers l’image ; 4. Image et personnalité ; 5. La nature de l’image. Il se propose de montrer l’évolution de la question au XIXe siècle, de démêler la filiation des différentes écoles et d’en faire le bilan. Il fait preuve d’une véritable érudition, et discute âprement les théories : la théorie physiologique, la Gestalt Theorie, les psychologues de l’École de Würzburg, les psychologues américains, Théodule Ribot, Henri Bergson... Il émaille cet inventaire de descriptions, puisant des exemples concrets extraits dans son expérience personnelle : une randonnée dans les monts vosgiens, une expérience visuelle faite dans la rue de Clignancourt. La littérature vient aussi étayer ses analyses : Proust, Tolstoï, Poe, Verhaeren.

Sur les conseils d’Henri Delacroix, il poursuivra les réflexions entamées avec ce travail universitaire, soutenu en 1927 et récompensé d’un 17/20 et d’une mention « très bien », dans ce qui ne devait être qu’un seul et même ouvrage, intitulé L’image. Cet ouvrage paraîtra finalement en deux parties fortement remaniées en raison de la découverte par Sartre de la phénoménologie dans les années 30, sous les titres de L’imagination, en 1936, puis de L’imaginaire : psychologie phénoménologique de l'imagination, en 1940.

Jean-Paul Sartre,
L’imaginaire : psychologie phénoménologique de l'imagination,
Paris : Gallimard, 1940.
(Bibliothèque des idées).
Centre documentaire du CAPHÉS : CAN 1304

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