Ulm - Lettres et Sciences humaines
Patrimoine > Expositions virtuelles > Regards sur l'Egypte

État moderne : l'Égypte du XVIIIe siècle

   La partie État moderne de la Description de l'Égypte est issue principalement des travaux de la « Commission des renseignements sur l'État moderne de l'Égypte », créée par Kléber début 1800. La commission comprenait dix sections :

     Législation, usages civils et religieux ;
     Administration ;
     Police ;
     Gouvernement et histoire ;
     État militaire ;
     Commerce et industrie ;
     Agriculture ;
     Histoire naturelle des habitants ;
     Monuments et coutumes ;
     Géographie et hydraulique.


État moderne,
vol. 2, Arts et métiers, pl. 2 : four à poulets du Caire, four à chaux, four à plâtre, four à poteries, tour du potier, four à verrerie, four à verrerie pour le sel ammoniaque, four à sel ammoniaque.
Dessin de Conté, gravure de Debuigne

     

   Tous ces sujets se retrouvent dans les mémoires de la Description, du plus pointu, Mémoire sur l'art de faire éclore les poulets en Égypte par le moyen des fours de Rozière et Rouyer, au plus vaste, le grand Mémoire sur l'agriculture, l'industrie et le commerce de l'Égypte de l'ingénieur en chef des Ponts et chaussées, Pierre Simon Girard.

   On remarquera plus particulièrement le Mémoire sur la communication de la mer des Indes à la Méditerranée, par la mer Rouge et l'isthme de Soueys de Jacques-Marie Le Père : malgré ses erreurs (Le Père trouve une différence de niveau entre les deux mers) c'est l'ébauche d'un projet qui aboutira au canal de Suez.

   Certains sujets amorcent de nouvelles disciplines, ainsi les mémoires de Guillaume André Villoteau sur la musique égyptienne ancienne et moderne, qui sont presque de l'anthropologie musicale.

   L'ingénieur Nicolas-Jacques Conté, qui n'a pas écrit de mémoire pour la Description, fournit de nombreux dessins, notamment pour une série de planches très précieuses sur les Arts et métiers (cf. pl. 2 en haut : les différents types de four)
.

   Enfin, tout ce qui concerne l'architecture islamique se trouve également dans cette section : Edme-François Jomard, qui était chargé de la toponymie du plan du Caire, a écrit une description très développée de la ville et de ses environs, illustrée par les planches 26 à 73.

Ainsi la mosquée du Sultan Hassan  :
«  C'est un des plus beaux monumens du Kaire et de tout l'empire ; il mérite un des premiers rangs parmi les ouvrages de l'architecture arabe, par la hardiesse de sa coupole, l'élévation de ses deux minarets et la grandeur du vaisseau, ainsi que par la richesse des marbres et des ornemens, qui y sont prodigués sur les pavés et sur les murailles et disposés selon la manière simple qui est propre à cette architecture... »
Jomard, Description du Kaire et de ses environs.
     



                    État moderne, vol. 1, pl. 32 : Le Kaire. Vue de la mosquée de Soultan Hasan.
                                                 Dessin de Conté, gravure de Berthault.


 


     

Pierre-Simon Girard,
Mémoire sur l'agriculture, l'industrie et le commerce de l'Égypte,
In : Description de l'Égypte,...
État moderne.
T. II,
Paris : Imprimerie impériale, 1813.

Distribué en 1823 avec la 2e section de la 3e livraison.

H AR o 6 (6) F°
Provenance : Cuvier (inventaire, MS 130, n° 2198).

Plan, coupe et détails de la roue à pots ou machine à arroser
dessin Conté, eau-forte Michelinot, gravure Berthault.
État moderne, vol. 2, Arts et métiers, pl. 4.

   Ingénieur en chef des Ponts et chaussées, Girard dirige la Commission qui part en mars 1799 étudier la vallée du Nil, depuis Le Caire jusqu'à la première cataracte. Une attention particulière est portée au régime du Nil et aux techniques d'irrigation.

   Contrairement à ses subordonnés Jollois et Villiers du Terrage, qui « font des hiéroglyphes », Girard s'intéresse beaucoup plus à l'Égypte moderne qu'aux monuments antiques (Villiers du Terrage écrit à un ami « Je vous le dénonce comme n'aimant pas les antiquités. Il a été quatre heures à Denderah et en a dormi trois... »). Girard participe ensuite à la Commission des renseignements sur l'Etat moderne de l'Egypte, pour le commerce, l'industrie et l'agriculture.
   La première partie, De l'état actuel de l'agriculture en Égypte, traite de l'irrigation, des instruments agricoles, des poids et mesures, des différentes cultures et divers élevages, des impôts et du régime de la propriété ; la seconde partie, De l'état actuel de l'industrie en Égypte, décrit les principaux types d'artisanat : poteries, briques, étoffes, nattes, huiles, vin, vinaigre, eau de rose, ammoniaque, sel marin, salpêtre, chasse et pêche, ... ; la troisième partie, Du commerce actuel des Égyptiens, du commerce intérieur et extérieur (avec l'Afrique, l'Asie et l'Europe).
Ce tableau est complété par les planches de Conté des Arts et métiers.
« Ayant spécialement pour objet l'amélioration du pays », le mémoire de Girard trace aussi l'esquisse d'une politique de grands travaux dans une vision pré-coloniale.


Guillaume-André Villoteau,
De l'état actuel de l'art musical en Égypte, ou Relation historique et descriptive des recherches et observations faites sur la musique en ce pays,
In : Description de l'Égypte,... État moderne. T. I, Paris : Imprimerie impériale, 1809
.
Musique et schémas gravés sur bois (circulation des modes musicaux, p. 820-825 ; cordier de l'oud, p. 856).

H AR o 6 (5) F°
Provenance : Cuvier (inventaire, MS 130, n° 2198).

    Ancien chanteur de l'Opéra de Paris, Villoteau s'improvise musicographe et se penche sur les traditions musicales des différentes communautés d'Égypte. Il traite ainsi des musiques arabe, africaine, éthiopienne, copte, syrienne, arménienne, grecque, et juive.
Il pense la musique égyptienne héritière de la musique grecque et de la musique asiatique, et si son appréciation est assez négative, il reconnaît :
« Les Égyptiens n'aimaient point notre musique, et trouvaient la leur délicieuse ; nous nous aimons la nôtre et trouvons la musique des Égyptiens détestable : chacun de son côté croit avoir raison, et est surpris de voir qu'on soit affecté d'une manière toute différente de ce qu'il a senti ; peut-être n'est-on pas mieux fondé d'une part que de l'autre. »

État moderne, vol. 2, Vases, meubles et instrumens, pl. AA :
Instrumens orientaux à cordes connus en Égypte.
"Dessiné d'après les instrumens rapportés d'Egypte par Mr Villoteau". Gravure de Duhamel..

Bibliographie :
Lucie Rault, « Villoteau et la musique égyptienne, ou l'éveil à la musique de l'Autre », in L'expédition d'Egypte, une entreprise des Lumières 1798-1801, Paris : Académie des sciences, 1998, p. 217-228

     



                                                                                             >>> Histoire naturelle