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L'Expédition d'Égypte

   À la fin du XVIIIe siècle, l'Égypte est toujours un territoire de l'empire ottoman, mais le pouvoir de son représentant, le pacha, est devenue très théorique : la réalité du pouvoir est détenue par les beys mamelouks. Par ailleurs, les défaites des Turcs contre les Russes et les Autrichiens ont persuadé l'Occident que la décadence de l'empire ottoman rendrait facile la conquête d'une de ses provinces.

    En France, après la campagne victorieuse d'Italie (1796-1797), Bonaparte réussit à convaincre le Directoire de lancer une expédition en Égypte, où les négociants français réclament l'aide de Paris contre les « avanies » des mamelouks. La possession de l'Égypte devait gêner l'essor commercial de l'Angleterre, dernier pays encore en guerre contre la France, en lui barrant la route des Indes orientales.


                   

                                            La bataille des Pyramides :  dessin Denon, gravure G. Malbeste (Voyage dans la Basse et la Haute Égypte, pl. 12)



    

   Aux premières victoires - la prise d'Alexandrie le 1er juillet 1798 et la célébrissime bataille dite des Pyramides contre Mourad bey, le 21 juillet (représentée ci-dessus par Vivant Denon) - succède le 1er août le désastre d'Aboukir où toute la flotte française est détruite.

   Bonaparte entreprend de gouverner le pays, en le dotant de nouvelles institutions politiques. Mais après la désastreuse expédition de Syrie, de février à mai 1799, et une dernière victoire terrestre à Aboukir le 25 juillet, les nouvelles des défaites françaises en Europe décident Bonaparte à quitter l'Égypte le 22 août 1799. Il laisse l'administration du pays à Kléber, assassiné le 14 juin 1800 et remplacé par Menou, qui signera la capitulation.

   Les Français quittent l'Égypte à la fin de l'été 1801 ; l'Expédition laisse un bilan militaire et diplomatique désastreux, mais son bilan scientifique, rassemblé dans la Description de l'Égypte, sera considérable.

   Bonaparte eut un moment le projet d'écrire lui-même une histoire militaire de l'expédition pour le « grand ouvrage ». En définitive la Description ne contiendra pas cette histoire, mais dès 1799 d'anciens membres de l'expédition commencent à publier leurs récits.




Ci-contre : Portrait de Mourad bey : dessin de Dutertre, gravure de Ponce.
(Description de l'Égypte, État moderne, vol. 2, Costumes et portraits, pl. G).

  

Charles Norry,
Relation de l'expédition d'Égypte, suivie de la Description de plusieurs des monumens de cette contrée, et ornée de figures,
Paris : Charles de Pougens, Denis-Simon Magimel, An VII (1799).
1 vol. ; in-8°

Gravures sur cuivre : carte de la Basse-Égypte, plan de la rade d'Aboukir, colonne de Pompée, plan de la mosquée Saint-Athanase, aiguille de Cléopâtre, pyramides de Guizèh.

H F er 5 B 8⁰

Reliure 19e s., demi-basane. - Notes ms. - Acquis en 2012.

L'un des architectes attachés à l'Expédition, de retour en France depuis quelque tems

Né en 1756, l'architecte Charles Norry a été l'élève de Charles de Wailly. Membre de l'Institut d'Égypte, Norry participe peu de temps à l'Expédition : malade, il quitte Le Caire dès le 29 vendémiaire an VII (20 octobre 1798) et regagne la France après seulement 4 mois passés en Égypte.
De retour à Paris en février 1799, il publie très vite sa Relation de l'expédition d'Égypte. L'ouvrage, qui est l'un des tout premiers récits de l'Expédition, est traduit en anglais dès 1800 (An account of the French expedition to Egypt).
Dans la première partie de l'ouvrage, Norry relate brièvement les premiers événements de l'Expédition, du départ de Toulon le 19 mai 1798 à la première révolte du Caire le 21 octobre. Il décrit notamment le désastre naval d'Aboukir (1er et 2 août 1798).

     

  


     
Alexandre Berthier,
Relation des campagnes du général Bonaparte en Égypte et en Syrie,
Paris : Pierre Didot, An IX. [1800-1801]
1 vol. ; in-8°

Seconde édition : la 1ère a paru à la même adresse en l'an VIII.

H F er 5 8°

Reliure 19e s., veau fauve marbré. - Provenance : Cuvier (n° ms. 967 =  double du n° 1687 de l'inventaire MS 130 ?).

Le général de division Berthier
Né en 1753, Alexandre Berthier est un officier de carrière qui a participé à la guerre d'Indépendance américaine. Il a été chef d'état-major de La Fayette en 1789, avant de devenir celui de Bonaparte pour la campagne d'Italie en 1796, puis pour l'expédition d'Égypte en 1798. Il sera plus tard son ministre de la Guerre.
Quittant l'Égypte avec Bonaparte en août 1799, il publie quelques mois après une Relation semi-officielle des « glorieux travaux du général Bonaparte », du débarquement à Alexandrie (2 juillet 1798) à la victoire terrestre d'Aboukir (25 juillet 1799). Dans un Avis préliminaire, Berthier avertit que son ouvrage ne traitera que des événements strictement militaires, et que les monuments de Haute-Égypte seront décrits par Vivant Denon dans son futur ouvrage.

p. 18-19 : la bataille des Pyramides
   « Un spectacle aussi imposant n'avoit point encore frappé les regards des Français. La cavalerie des Mamlouks étoit couverte d'armes étincelantes. On voyoit en arriere de sa gauche ces fameuses pyramides dont la masse indestructible a survécu à tant d'empires et brave depuis trente siecles les outrages du temps... »

   

Dominique-Vivant Denon,
Voyage dans la Basse et la Haute Égypte pendant les campagnes du général Bonaparte,
Quatrième édition
Paris : Pierre Didot, An XI = 1803.
3 vol. ; in-12°

Première édition : Paris, Pierre Didot, 1802 (1 vol. de texte in-4° et 1 vol. de planches au format atlantique).

H V vo 4 DA 8º
Reliure 19e s., basane fauve marbrée. - Acquis en 2013.
Planches : H V vo 12 gr F°

Dédié au Premier consul, le Voyage de Denon est aussi un récit de guerre qui contribue à l'édification de la légende napoléonienne. Devenu directeur du Musée central des arts cette même année 1802, Denon fera beaucoup pour le propagande impériale.
Sans occulter les horreurs de la guerre (ainsi à Sédiman [pl. 29 n° 1]) ni les souffrances infligées à la population, Denon peint par le verbe et la gravure plusieurs scènes de batailles. Il renvoie à Berthier pour plus d'informations.
Traduit en anglais la même année que sa parution, l'ouvrage est un immense succès.

T. 1, p. 76-77 : la bataille des Pyramides.
   « Dès qu'on eut découvert les ennemis, l'armée se forma : lorsque Bonaparte eut donné ses derniers ordres, il dit, en montrant les pyramides : Allez, et pensez que du haut de ces monuments quarante siecles nous observent. »
Voir aussi la planche 12 supra.
     


Quelques références bibliographiques :

- Patrice Bret, L'Égypte au temps de l'expédition de Bonaparte, 1798-1801, Paris : Hachette, 1998. (La vie quotidienne).
- L'expédition d'Égypte : 1798-1801,
sous la direction d'Henry Laurens, Paris, A. Colin, 1989.
-
Yves Laissus, L'Égypte, une aventure savante : avec Bonaparte, Kléber, Menou, 1798-1801, Paris : Fayard, 1998.


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