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À l’École normale supérieure
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Si Sartre est peu disert sur ses années de formation, Raymond Aron rapporte dans ses Mémoires :
« Pour nous inspirer d’un maître, pour le mettre à mort ou pour prolonger son œuvre, nous n’avions le choix qu’entre Léon Brunschvicg, Alain et Bergson (ce dernier déjà retiré de l’enseignement). À la Sorbonne, Léon Brunschvicg était le mandarin des mandarins. »
Pendant ces années, Sartre restera fidèle à son émerveillement bergsonien né en khâgne, Raymond Aron travaillera sous la houlette de Léon Brunschvicg, tandis que Georges Canguilhem demeurera l’un des disciples d’Alain, son maître à Henri IV – choix initial essentiel pour ces apprentis philosophes, car de lui découlent la délimitation du champ philosophique et la méthode pour traiter les problèmes, soit une sensibilité, un style philosophiques.

Pendant ces quatre années, Sartre reste bergsonien, non en multipliant les lectures des œuvres de/sur Bergson – les registres en montrent peu -, mais en lisant beaucoup de psychologie : c’est sur l’analyse de la conscience intime qu’il se concentre. En règle générale, ses lectures philosophiques attestent un élève très studieux, soucieux de réussir ses examens et concours. Pour obtenir le certificat de licence en histoire de la philosophie en juillet 1925 (mention assez bien), il lit tout au long de l’année les auteurs canoniques au programme : Platon, Aristote, Kant, Spinoza, Descartes. L’histoire de la philosophie est enseignée par Léon Robin dont il lit quelques ouvrages.
 


Durant l’année 1925-1926, Sartre prépare le certificat de philosophie générale et logique, qu’il obtient en juin 1926 avec la mention bien. Il s’attelle alors à la lecture de Léon Brunschvicg, qu’il poursuit les deux années suivantes. Sartre est aussi curieux que sérieux : il lit les auteurs de la tradition et s’intéresse aussi à ceux qui ne figurent pas au programme : Schopenhauer, Nietzsche, Alain. Ainsi, Raymond Aron se souvient de l’exposé de Sartre au cours de Léon Brunschvicg, démontrant que Nietzsche était un philosophe dans la pleine acception du terme et non un littérateur. Léon Brunschvicg hésitait encore entre ces deux points de vue pour rédiger son chapitre des Progrès de la conscience dans la pensée occidentale.

Enfin, en 1927-1928, année de l'agrégation, on retrouve dans les emprunts de Sartre les thèmes et les auteurs au programme : Platon, Rousseau et Auguste Comte pour l'histoire de la philosophie, Aristote, Plotin, Cicéron, Spinoza et Descartes pour l'oral. Sartre l’a préparée assidûment, mais livre une copie trop personnelle et échoue sur le sujet « Raison et société », sur lequel Aron brille. Célestin Bouglé, directeur adjoint de l’École, déplore cet « accident », car on attendait beaucoup de Sartre. L’année suivante, Sartre est reçu brillamment sur un sujet comme taillé sur mesure : « Les idées de contingence et de liberté ».

Léon Robin, La pensée grecque et les origines de l'esprit scientifique,
Paris : La Renaissance du livre, 1923.
(L'Évolution de l'humanité; 13).
S Phi h 352 8°

Baruch Spinoza, Oeuvres, Trad. Emile Saisset, 1ère série,
Paris : Charpentier, 1842.
(Bibliothèque Charpentier)
S Phi g 117 (1) 12°

    

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