La troisième édition du Discours de la méthode
René Descartes
Discours de la methode pour bien conduire sa raison, & chercher la verité dans les sciences. Plus la Dioptrique, les Meteores, la Mechanique et la Musique, qui sont des essais de cette Methode, par René Descartes. Avec des remarques & des éclaircissemens necessaires,
Paris : Charles Angot, 1668.
Il s'agit de la 3e édition du Discours de la méthode, mais de l'édition princeps de la Mécanique et de la Musique. Extrait du privilège du roi du 18 avril 1664, achevé d'imprimer du 8 mai 1668.
Marque de C. Angot (monogramme) aux titres du Discours et du Traité de la mechanique.
Illustrations et schémas gravés sur bois par Frans Van Schooten, relatifs à la physique, à l'optique et à la musique.
[Voir la notice dans le catalogue]
Le projet initial de Descartes était un Traité du monde, dans lequel le philosophe démontrait la rotation de la Terre ; il y renonça en 1633, par crainte de l'autorité de l'Église, suite à la seconde condamnation de Galilée et à la destruction en place publique de son Dialogue sur les deux principaux systèmes du monde.
Cette première oeuvre de Descartes ne connaîtra donc qu'une publication posthume, d'abord scindée en deux parties : le De homine en 1662 [la Bibliothèque possède la 2de éd. latine : S Phi fr 55 A 8°], Le monde en 1664 [Bibliothèque de mathématiques et informatique : SM 13139], les deux traités étant réunis dans l'édition de 1677).
Cependant Descartes rédige entre 1634 et 1636, en français, le Discours de la méthode, qu'il présente comme étant une introduction aux trois essais suivants : la Dioptrique, les Météores, et la Géométrie, qu'il considère comme étant le plus abouti. Il y aborde des thèmes philosophiques, techniques ou scientifiques, et souhaite préparer les esprits aux sciences nouvelles en développant sa philosophie du doute, tout en portant un regard critique sur son propre parcours intellectuel. Des éléments du Discours font ainsi écho à des théories déjà évoquées dans le traité de L'Homme (1631), ou qui seront plus tard développées dans les Méditations métaphysiques (1641) et les Passions de l'âme (1649). La chronologie de la rédaction est encore discutée, mais l'énorme implication du philosophe dans la publication de ses propres écrits permet de remonter quelques pistes : on sait par exemple que la Dioptrique est presque terminée à la fin octobre 1636 « mais à cause que les figures des Meteores et de la Geometrie, qui doivent suivre, ne sont pas encore prestes, l'imprimeur ne se haste pas, et ne promet le tout que vers Pasques ».
Le Discours de la méthode est publié pour la première fois par Jean Maire à Leyde en 1637. Une traduction latine du Discours de la méthode et des Météores, composée par Etienne de Courcelles, paraît également en 1644.
La troisième édition du Discours présentée ici est publiée à Paris, chez Charles Angot, sans La Géométrie, mais avec l'édition princeps du Traité de la mechanique et de l'Abbrégé de musique. On peut cependant rencontrer des exemplaires où la Mechanique et l'Abbrégé ne suivent pas le Discours et sont publiés séparément. La Mechanique, datée de 1668, est la traduction d'un manuscrit latin par l'oratorien Nicolas Poisson (1637-1710). On trouve la version latine de ce traité dans les Opuscula posthuma, physica et mathematica, publiées en 1701 chez Joan et Pieter Blaeu à Amsterdam [Bibliothèque de mathématiques et informatique : SM 11227].
L'Abbregé de la musique composé en latin par René Descartes est la première traduction française du Musicae compendium, éditée en 1668. Descartes précise, à la fin de cette étude sur la musique : « fait en 1618, âgé de 22 ans ». Or, le texte n'est publié pour la première fois qu'en 1650. Cette publication tardive est due à la malhonnêteté d'un ami de Descartes, le mathématicien hollandais Isaac Beeckman (1588-1637) : celui-ci conserva fort longtemps le manuscrit qui lui avait été confié, et il se fit passer pour son auteur. Descartes, furieux, réclama le manuscrit en 1629 ; Beeckman le lui rendit en ayant pris soin d'en faire une copie. Si cette copie est à l'origine de la première édition latine en 1650, c'est bien le manuscrit original, aujourd'hui perdu, que Nicolas Poisson traduit pour la version française (le titre insiste ainsi sur le nom de l'auteur : « composé en latin par René Descartes »). Poisson agrémente par ailleurs cette traduction de ses propres « éclaircissemens » (cf. avis p. 99), les Elucidationes physicae in Cartesii musicam, étant restées en latin « faute de loisir » (ibid.).
Bibliographie : René Descartes, Le Discours de la méthode : texte intégral, texte conforme à l'édition de 1637 ; notes explicatives questionnaires, documents et parcours philosophique établi par François Guéry..., Paris : Hachette, 1997, p. 5-8. - René Descartes, Discours de la méthode ; introd . dossier et notes par Denis Moreau, Paris : Librairie générale française, 2000, p. 11-64.
Albert-Jean Guibert, Bibliographie des œuvres de René Descartes publiées au XVIIe siècle, Paris : Éd. Du Centre national de la recherche scientifique, 1976, p. 18-19, 185-186 et 217-218. - Eric Mougenot, Le Compendium musicae de Descartes : http://blog.bnf.fr/gallica/?p=2062. - Avenir Tchemerzine, Bibliographie d'éditions originales et rares d'auteurs français des XVe, XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, IV, Paris : M. Plée, 1930, p. 312. - Stéphane Van Damme, Descartes : essai d'histoire culturelle d'une grandeur philosophique, [Paris] : Presses de Sciences Po, 2002, p. 237-264.
Notre exemplaire : S Phi fr 31 B 8° : Reliure 17e s., basane brune, dos à cinq nerfs avec décor doré et pièce de titre rouge, roulette dorée sur coupe, tranches mouchetées de rouge, gardes de papier marbré.
Ex-libris ms. de Durastel, expert géomètre, daté de 1806 ; ex-libris ms. de Jacques-Henri Dutreyne, médecin.
Acquis en 2010.
Présentation réalisée par Ariane Oriol - janvier 2013