Ulm - Lettres et Sciences humaines
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Centenaire de la mort de Charles Péguy : poète et penseur engagé

 

Portrait de Charles Péguy, par Jean-Paul Laurens. Reproduction photographique de H. Roger Viollet [s.d.], noir et blanc, 40,5 x 30,5 cm. Fonds photographique de la Bibliothèque LSHS. Cote : PHO C/1/PEGUY/1

Le samedi 5 septembre 1914, Charles Péguy meurt au front lors de la bataille de l’Ourcq, à la veille de la bataille de la Marne. Un siècle plus tard, faisant écho aux différentes commémorations de sa disparition, et à l’initiative de M. Guillaume Bonnet, la Bibliothèque des Lettres et Sciences humaines et sociales de l’École normale supérieure lui rend hommage et présente des éditions signées de la main de leur auteur, issues de ses collections patrimoniales.


Fils d’une rempailleuse de chaises, très tôt orphelin de père, Charles Péguy, né en 1873 à Orléans, est remarqué dans les petites classes et obtient une bourse pour poursuivre ses études. Celles-ci le mèneront à l’École normale où il entre en 1894, pur produit de la « méritocratie républicaine ». 


Ses années à l’École, pendant lesquelles il suit, entre autres, les cours des deux archicubes Romain Rolland (promo. 1886) et Henri Bergson (promo. 1878), voient s’affirmer en lui une double exigence, morale et spirituelle, nourrie des auteurs classiques dont l’atmosphère alors ardemment patriotique fait l’expression de « l’essence de la France ». Le socialisme qu’il professe durant sa scolarité – comme Albert Mathiez, son condisciple depuis la prépa. à Lakanal – est chez lui une prolongation naturelle de cette double exigence, qui le conduit aussi très vite au combat pour la cause d’Alfred Dreyfus. Ainsi, durant l’année 1897, publie-t-il coup sur coup un article engagé pour la Revue socialiste et un « mystère », Jeanne d’Arc, dans lequel il recherche d’emblée le ton « national » de la scène populaire médiévale pour célébrer l’héroïne de sa ville natale qui n’est pas encore la patronne secondaire de la France, canonisée en 1920.




Photo de promotion 1894 (Lettres). Légende manuscrite : « Gaillet, Pérez, Yvon [i. e. Hyvon], Weulersse, Roques, Seure, Arbelet, Nadaud, Litalien, Mantoux, Léon, Luchaire, Lévy, Mathiez, Challaye, Homo, Villeneuve, Beslais, Burnet, Elbel, Sarrieu, Poirot ». « Manquent Allard, Bloch, Mendel, Péguy, Roustan, Vallette ». Noir et blanc, 19,5 x 25 cm. Fonds photographique de la Bibliothèque LSHS. Cote : PHO D/2/1894/1



Registre de prêt de la Bibliothèque de l’Ecole normale supérieure. Années 1894-1895 – Bibliothèque de Lettres et Sciences humaines et sociales de l’ENS.

Son évolution intellectuelle ultérieure le ramènera au catholicisme de son enfance, catholicisme qu’il vivra aussi comme un élément constitutif de la communauté nationale. Il meurt en entraînant sa section à l’assaut le 5 septembre 1914, à Villeroy, commune du Plessis-L’Evêque (40 km de Paris), à la veille de la bataille de la Marne, dans les combats destinés à stabiliser le front français avant la contre-attaque.


Son attachement pour l’Ecole où il a forgé sa personnalité se lit dans les envois des deux exemplaires de Jeanne d’Arc que le jeune auteur encore élève donna à la bibliothèque – que ne dirige pas encore son condisciple et ami Lucien Herr (promo. 1883) – et au surveillant général, futur secrétaire général, Paul Dupuy (promo. 1876).








Charles Péguy, Jeanne D’Arc, drame en trois pièces/Marcel et Pierre Baudoin, Paris, Librairie de la Revue Socialiste Suresnes, G. Richard et Husson, 1897, non paginé. Cet exemplaire porte un envoi manuscrit de Charles Péguy à Paul Dupuy et contient une lettre manuscrite du relieur Paul Duffourg à Paul Dupuy. Notre exemplaire : L F pol 127 AA 8°

Alors élève à l’École normale supérieure, Charles Péguy, enthousiaste de sa nouvelle conversion au socialisme, demande une année de congé, ce qui explique sans doute son absence sur la photographie de promotion 1894 Lettres, prise en juin 1896, présentée ci-dessus. Il consacre cette année à la rédaction d’une de ses premières grandes œuvres : la vie de Jeanne d’Arc .

Il dédie son œuvre en particulier « à  toutes celles et tous ceux qui auront vécu leur vie humaine, à toutes celles et tous ceux qui seront morts de leur mort humaine, pour l‘établissement de la République socialiste universelle ».

L’héroïne de Charles Péguy, figure patriotique, représente un engagement solitaire pour lutter contre l’injustice et la violence sociales. Son action est toutefois vouée à l’échec puis à la mort. Charles Péguy semble voir dans le socialisme un « remède », une action politique porteuse de justice sociale, s’inscrivant ainsi dans les pas de Lucien Herr et Jean Jaurès.

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Présentation réalisée par Sandrine Iraci et Guillaume Bonnet - Septembre 2014