Un ouvrage de Virgile illustré d'après les peintures des manuscrits du Vatican : Antiquissimi Virgiliani codicis fragmenta et picturae (1741)
Virgile
Antiquissimi Virgiliani codicis fragmenta et picturae ex Bibliotheca Vaticana ad priscas imaginum formas a Petro Sancte Bartholi incisae.
Romae : ex chalcographia R. C. A. [id est « Romanae Camerae apostolicae »] apud pedem marmoreum. A. S. M D CC XLI. 1 vol. ; in-fol.
Cette troisième édition comporte cinquante-cinq miniatures et trois vignettes gravées à l'eau-forte reproduisant les peintures ornant deux manuscrits du Vatican ; les planches sont accompagnées du texte latin des manuscrits, très fragmentaire.
Le titre-frontispice, les trois fac-similés et la lettrine débutant l'avis au lecteur sont également gravés sur cuivre.
On relève une épître dédicatoire de Giovanni Domenico Campiglia (1692-1768), peut-être graveur de la page de titre, adressée au pape Benoît XIV (1675-1758).
[Voir la notice dans le catalogue]
La Bibliothèque Vaticane possède quatre manuscrits des œuvres de Virgile, dont deux sont réputés pour leurs magnifiques peintures : le codex Vaticanus ou Fragmenta Vaticana (Vaticanus lat. 3225) dit le « Virgile Vatican », et le codex Romanus (Vaticanus lat. 3867) dit le « Virgile Romain ». Ces deux manuscrits ont souvent été confondus à tort au gré des différentes éditions, et ce malgré leur style très différent.
Le codex Vaticanus, daté du IVe ou Ve siècle, est écrit en lettres capitales rustiques. Le texte, lacunaire, contient les livres III et IV des Géorgiques et les neuf premiers livres de l'Énéide, soient cinquante sujets de dimensions variées. La qualité des illustrations est inégale : il a été établi que trois artistes au moins, vraisemblablement de la même école, ont travaillé aux peintures de ce manuscrit. Cependant, l'ensemble reste cohérent et décrit avec précision chaque épisode essentiel. Quant au texte lui-même, il est l'œuvre d'un seul copiste. L'état de conservation parfois médiocre des peintures et la mutilation de certains feuillets expliquent l'aspect fragmentaire de l'ensemble.
Le codex Romanus proviendrait de l'abbaye de Saint-Denis, d'après l'historien Dom Bernard de Montfaucon (1655-1741) ; on estime que la date de sa création se situe entre la première moitié du IVe siècle et le VIe siècle. Grâce à l'évocation de ce manuscrit dans les Miscellanea d'Ange Politien (1454-1494), on pense que le codex est entré à la Bibliothèque Vaticane vers le dernier quart du XVe siècle. Le manuscrit contient l'œuvre presque entière de Virgile, avec sept peintures ornant les Bucoliques (dont trois portraits de Virgile), deux les Géorgiques, et dix l'Énéide. Leur composition est jugée plus maladroite que celle du « Virgile Vatican », mais les couleurs ont été beaucoup mieux conservées.
Au XVIe siècle, les tous premiers dessins reproduisant les peintures du codex Vaticanus sont réalisés par deux élèves de Raphaël. Mais c'est à Pietro Sante Bartoli que l'on doit le premier ouvrage orné de gravures, publié à Rome en 1677.
Bartoli, natif de Pérouse, s'établit tout jeune à Rome où il devient l'élève des peintres Jean Lemaire (1598-1659) et Nicolas Poussin (1594-1665). Féru d'archéologie, Bartoli est notamment célèbre pour ses gravures de monuments, tels les bas-reliefs de la colonne Trajane, réalisées d'après ses propres dessins. Cette première édition présente donc cinquante-cinq eaux-fortes, sans le texte de Virgile : cinquante gravures sont extraites du codex Vaticanus ; cinq sont issues du codex Romanus et complètent les scènes manquantes, en particulier celles illustrant les Bucoliques (cf. la gravure figurant l'épisode de Tityre et Mélibée présentée ici).
Bartoli, influencé par l'esthétique baroque, interprète les scènes virgiliennes en rajoutant par exemple des accessoires, et en supprimant ou en modifiant les inscriptions.
Une deuxième édition, également sans texte, est imprimée tardivement à Rome en 1725.
Dans la troisième édition datée de 1741 présentée ici, l'éditeur Giovanni Gaetano Bottari (1689-1775), conservateur à la Bibliothèque Vaticane, reprend toutes les planches de Bartoli : son nom est cité au titre-frontispice, Antiquissimi Virgiliani codicis fragmenta et picturae ex Bibliotheca Vaticana ad priscas imaginum formas a Petro Sancte Bartholi incisae. Les gravures à l'eau-forte sont accompagnées du texte latin présent dans les manuscrits, et leur présentation varie : elle peuvent être insérées avant ou dans le texte, se faire face avec ou sans le texte, avec le verso blanc. Bottari rajoute trois fac-similés de manuscrits, et fait également reproduire trois autres miniatures extraites du « Virgile Romain », dont un portrait de Virgile.
Cette édition, imprimée à la Calcografia camerale de Rome, est augmentée de fragments, de notes, de corrections et de variantes. Deux autres éditions verront le jour en 1776 et 1782, toujours imprimées à Rome.
Au XIXe siècle, le cardinal Angelo Mai (1782-1854), bibliothécaire à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan, fait rééditer les planches de Bartoli qu'il complète par de nouvelles reproductions réalisées d'après les dessins de Carlo Ruspi (1798-1863), peintre spécialisé dans la restauration de fresques ; ainsi, Ruspi imagine et figure les parties manquantes des miniatures par des pointillés.
Ce volume de lithographies, paru à Rome en 1835 sous le titre Virgilii picturae antiquae ex codicibus Vaticanis réunit donc les deux codex virgiliens dans un bel ensemble. Mais la confusion entre les deux manuscrits engendrée par le choix éditorial de Mai, et avant lui, de Bottari, se poursuivra au siècle suivant.
Bibliographie
- Jacques Charles Brunet, Manuel du libraire et de l'amateur de livres... Tome cinquième, Paris : G.-P. Maisonneuve et Larose, 1966. col. 1291.
B 25 A (5) 8°
- Bruno Neveu, Biographie et historiographie : le « Dizionario biografico
degli Italiani » (tomes I-X). In : Journal des savants. 1971, N°1. pp. 32-67.
- Pierre de Nolhac, Les peintures des manuscrits de Virgile. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 4, 1884. pp. 305-333.
H AR gé 89 8°
- Bernadette Pasquier, Iconographie des éditions de Virgile : France-Italie (seizième au vingtième siècle), Lille : ANRT, 1991.
T.MF 8163
- Bernadette Pasquier, Virgile illustré de la Renaissance à nos jours en France et en Italie [préf. de R. Chevalier], Paris : J. Touzot, 1992.
L H a 429 (2) 8°
Notre exemplaire : L L p 19 F°
Reliure 18e s., parchemin, dos à six nerfs avec pièce de titre dorée.
Description des planches :
Tityre et Mélibée : Tityre est assis, jouant de la flûte, et face à lui se trouve Mélibée qui maintient une chèvre par la corne. Les deux bergers sont sous l'ombre de deux arbres, derrière lesquels paissent leurs troupeaux de vaches et de chèvres (Bucoliques, églogue I).
La mort de Laocoon et le cheval de Troie : les gravures évoquent deux épisodes majeurs de la chute de Troie (Énéide, livre II).
Sur la gauche de la première miniature, Laocoon, prêtre de Neptune, sacrifie un bœuf sur l'autel devant le temple du dieu, tandis que les deux serpents (angues) mortifères approchent ; à l'arrière-plan se trouve vraisemblablement le temple de Minerve, à laquelle les Troyens veulent présenter en offrande le cheval de bois, malgré les avertissements de Laocoon et de la prophétesse Cassandre. Sur la droite de la miniature, Laocoon et ses deux fils se débattent en vain, étranglés par les deux serpents.
Un groupe de soldats grecs cachés dans le ventre du cheval descend à l'aide d'une corde et envahit la ville endormie après une soirée de fête : la ruse d'Ulysse fonctionne, les Troyens n'ont pas le temps de réagir et sont massacrés. Un navire grec attend que les portes de la ville s'ouvrent pour déverser le reste de l'armée et anéantir la cité de Priam.
L'attaque nocturne du camp troyen par l'armée de Turnus : sous un ciel étoilé, les Troyens endormis sont surpris par les guerriers rutules conduits par Messape. Leur roi Turnus a déclaré conjointement la guerre à Énée et au roi du Latium Latinus qui ont tous deux fait alliance : Latinus avait d'abord promit à Turnus sa fille Lavinia, avant de finalement l'offrir en mariage à Énée (Énéide, livre IX).
Énée et le prodige de la truie blanche aux trente petits : cet épisode annonce la fondation d'Albe la Longue par Ascagne, fils d'Énée et de Créuse. La couleur blanche de l'animal (alba) renvoie au nom de la future cité, et le nombre de petits symbolise les trente ans avant sa fondation à l'endroit même de cette rencontre « miraculeuse » (Énéide, livre VIII).
Didon, sur son bûcher funèbre : la reine est inconsolable après le départ précipité d' Énée qui a été sommé par Mercure de quitter les délices de Carthage et de reprendre le cours de sa mission; Didon brandit l'épée que son amant lui avait offerte et se donne la mort (Énéide, livre IV).
Illustration de la page de présentation : La tempête déchaînée par Junon : Énée, sur le point d'atteindre les rivages italiens, est malmené par la déesse qui lui voue une haine farouche ; elle soulève les flots peuplés de monstres marins et oblige la flotte troyenne à accoster en Libye (Énéide, livre I).
Présentation réalisée par Ariane Oriol - juin 2014.